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Chaque semaine, au moins une personne me demande des conseils sur le métier de DAF à temps partagé. Après 5 ans dans ce métier et plus de 25 entreprises accompagnées, il est temps de tout vous dire. Le bon, le moins bon, et surtout la réalité du terrain – sans langue de bois.
Mon parcours d’abord. Avant le temps partagé, j’étais DAF d’un groupe de communication international, Orchid Creation, présent sur tous les continents : Paris, Barcelone, Sao Paulo, Mumbai, New York, Mexico, Hong Kong, Singapour et Londres. Une expérience qui m’a donné une vision complète de la finance d’entreprise : coordination d’ouvertures de filiales, mise en place de processus financiers et comptables, management d’une équipe de 15 personnes, coordination des clôtures avec 12 experts-comptables et 8 CAC, sans compter toute la complexité des intercos.
Le basculement vers le temps partagé s’est fait naturellement. D’abord en freelance, puis en CDI dans une entreprise de conseil qui nous plaçait chez des clients. Cette expérience m’a menée dans plus de 25 entreprises aux secteurs ultra-variés : agences de com, industrie, aéronautique, retail, cybersécurité… Un vrai tour d’horizon. Et maintenant, après ces 5 années intenses, je reviens au CDI chez un ancien client – mais j’y reviendrai en fin d’article.
Comprendre le métier de DAF temps partagé
Les missions types : du rêve au cauchemar
Les missions que je préfère ? Celles qui durent longtemps, sans cahier des charges figé, où le client fait vraiment confiance. Malheureusement, ce n’est pas le cas de toutes.
Les missions de structuration, c’est le graal. L’entreprise a levé des fonds, le fonds d’investissement exige un DAF pour structurer. Vous avez un sponsor, vous répondez à un vrai besoin, la feuille est blanche. Tout à construire, c’est exactement ce que j’aime.
Les missions ponctuelles arrivent souvent quand une entreprise s’apprête à lever : business plan, pitch deck, P&L, cash report, prévisionnel de trésorerie. C’est court mais intense.
Les missions de remplacement peuvent virer au cauchemar. Remplacer un DAF en congé maternité ou parti ailleurs, pourquoi pas. Mais qu’on attende de vous qu’en une journée par semaine vous repreniez l’intégralité du scope d’un DAF full-time… Oui, cette absurdité existe bel et bien.
Les missions de crise, franchement les pires que j’aie eues. Cessation de paiement, mandat ad’hoc, redressement, liquidation… Je me souviens d’une entreprise avec 2 ans de retard sur son bilan – partir à la chasse aux justificatifs tout en restructurant les process. Ou encore cette boîte où la comptable était partie en laissant 3 ans de comptabilité chaotique : erreurs, justificatifs manquants, le chaos total. Mais l’administration judiciaire voulait quand même un reporting fiable pour décider si l’entreprise était viable ou s’il fallait la liquider. Une cinquantaine d’emplois dépendaient de ce travail.
Le format d’intervention : la réalité d’une journée par semaine
Autant être clair dès le départ : avec une journée par semaine (le format standard dans ce métier), vous n’allez pas révolutionner l’entreprise. Il faut être réaliste sur ce qu’on peut accomplir et bien gérer les attentes client.
Se lancer : les aspects pratiques
Le statut juridique : pourquoi l’auto-entrepreneur reste le meilleur choix
En termes de statut, je recommande l’auto-entrepreneur sans hésiter. C’est de loin le plus avantageux fiscalement. « Mais c’est plafonné ! », « On ne peut pas déduire la TVA ! », « Pas de déduction de charges ! » – j’entends déjà les objections. Laissez-moi vous expliquer pourquoi on s’en fiche.
D’abord, le plafond : vous pouvez le dépasser une année sur deux. Au pire, même si vous explosez les compteurs, ça vous laisse deux ans pour réfléchir à un autre statut.
La TVA ? Vous pouvez tout à fait la déduire si vous la facturez en amont – il suffit de faire la demande. Et comme vous travaillez avec des entreprises qui peuvent la déduire à leur tour, aucun problème.
Les charges ? Franchement, dans nos métiers de service, elles sont mineures. Si vous avez vraiment beaucoup de frais, posez-vous la question d’un autre statut, mais n’oubliez pas que la fiscalité moins avantageuse pourrait vous coûter plus cher en cotisations sociales que ce que vous gagneriez en déductions.
Se positionner dans un marché qui se tend
La concurrence devient féroce. De nombreuses personnes se lancent et certaines n’hésitent pas à brader les prix. Sur Malt, vous trouvez des DAF TP à 450€ TJM. Il y a 2-3 ans, le minimum était à 800€. Avant ça, on parlait de 1000-1200€. La dernière entreprise qui m’embauchait vendait encore les DAF à 1200€ TJM.
Cette chute s’explique par l’arrivée de profils moins expérimentés. Des gens qui n’ont jamais été DAF mais savent faire « le minimum requis ». Comme en une journée par semaine on ne peut pas faire grand-chose, ils arrivent à faire bonne figure. Plus jeunes, célibataires, sans enfants, parfois installés à la campagne, ils peuvent se permettre de brader.
Une expérience en Big 4 vous aidera énormément à vous positionner. Se spécialiser dans un secteur peut aussi être un plus, même si personnellement ça m’a lassé au bout d’un moment – avoir toujours des clients similaires, c’est répétitif.
Trouver ses clients : ce qui marche (vraiment) et ce qui ne marche pas
Les canaux efficaces
Oubliez LinkedIn. Publier dessus ne vous apportera pas de clients – en tout cas, ça ne m’en a jamais rapporté de vraiment satisfaisants.
Concentrez-vous sur les plateformes comme Malt ou OneMan Support (attention, ils exigent une expérience Big 4). Les réseaux de DAF fonctionnent aussi : Acting, Bras Droit du Dirigeant (réputation un peu myso mais ça marche). Des entreprises comme Directeur Particulier proposent également des missions.
Ce qui ne fonctionne pas
Les podcasts et interviews ? J’en ai fait beaucoup, ça n’a jamais ramené de clients sérieux. Au mieux quelques missions courtes sporadiques. Le répertoire Karmen où je suis inscrit ? Zéro client.
J’ai même tenté la prospection automatisée avec Lemlist et Waalaxy, ciblant des entreprises similaires à mes clients existants. Plus de 300 contacts dans mon ICP, résultat quasi-nul.
La règle d’or : votre réseau
Il n’y a pas de secret : le meilleur moyen de trouver des clients, c’est votre réseau. Nous sommes dans un métier de confiance. Avoir de la notoriété, c’est différent d’être un bon DAF – et les clients ne s’y trompent pas.
La réalité du quotidien : avantages et galères
Les bons côtés
La liberté de choisir ses clients, c’est le gros avantage. Enfin, liberté toute relative – quand vous êtes en chien d’argent, il faut bien bosser.
La diversité des secteurs enrichit énormément l’expérience. En 5 ans, j’ai vu des problématiques que je n’aurais jamais découvertes en restant dans une seule entreprise.
Les inconvénients qu’on vous cache
Chercher des clients, franchement ça soule. Les revenus en dent de scie aussi : quand vous avez trop de clients, plus le temps de prospecter. Les missions s’arrêtent, il faut relancer la machine.
Et puis soyons honnêtes : en une journée par semaine, impossible de révolutionner une entreprise. C’est frustrant quand vous voyez des améliorations possibles mais n’avez pas le temps de les mettre en place. Par ailleurs, vous n’aurez pas le temps d’apprendre – c’est de loin ma plus grande frustration. Si vous voulez apprendre une nouvelle techno (disons Power BI par exemple) il vous faudra le faire sur votre temps libre, même si c’est pour les besoins d’un client. Parce que ce que le client veut, ce pour quoi il paie, c’est pour du résultat (pas pour votre apprentissage).
Sans compter les incongruités, comme ces remplacements impossibles où on vous demande de faire en 1 jour ce qu’un DAF full-time faisait en 5.
Mes conseils pour réussir
Les missions à privilégier
Visez les missions où le client fait confiance, sans cahier des charges rigide, où vous pouvez avoir un vrai impact. Quand vous avez un sponsor (fonds d’investissement qui impose votre présence), c’est encore mieux.
Les pièges à éviter
Fuyez les missions « pompier » où l’entreprise brûle mais ne vous donne pas les moyens d’éteindre l’incendie. Évitez aussi les remplacements impossibles et les entreprises en crise sans sponsor solide.
Pourquoi j’arrête après 5 ans
Après toutes ces années, je suis lassé de la vie de DAF TP. La prospection permanente, les revenus imprévisibles, la frustration de ne pas pouvoir aller au bout des projets… Quand un client m’a proposé de rejoindre ses équipes après 6 mois de mission réussie, pour avoir enfin un vrai impact, j’ai sauté sur l’occasion.
Je garde mes activités parallèles – enseignement et commercialisation d’une plateforme d’enseignement que j’ai développée – mais c’est fini pour le DAF TP (enfin… si l’occasion se présente, qu’il y a un feeling avec le dirigeant et que la boîte est cool, je suis toujours chaud de rempiler pour une mission coup de poing ; mais je serai vraiment très sélectif car ce serait pour le plaisir).
Conclusion : un métier formateur mais limité
Ces 5 années m’ont énormément appris. J’ai découvert des secteurs, des problématiques, des situations que je n’aurais jamais vues autrement. Mais ce métier a ses limites : impact forcément restreint, prospection permanente, revenus imprévisibles.
Si vous avez l’expérience et l’envie de découvrir une multitude d’entreprises, foncez. Mais ne vous faites pas d’illusions : c’est loin d’être le métier de rêve qu’on vous vend parfois. Et dans le contexte actuel de pression sur les tarifs, réfléchissez bien à votre positionnement.
Pour ma part, cette expérience m’aura permis de trouver le poste qui me convient vraiment. Parfois, le DAF TP n’est qu’une étape – et c’est très bien comme ça.