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Des infographies pour prendre de la hauteur.
Des histoires pour aller en profondeur.

Nombreux sont les aspirants et les prétendants au leadership. Comme s’il était possible de décider d’être un leader. Le leadership est un phénomène qui fait couler beaucoup d’encre dans les magazines et revues de management. Chacun y va de son expertise pour nous aider à « devenir de bon.ne.s leader ». Mais ne nous mentons pas. Non seulement le leadership n’est pas à la portée de tout le monde, mais en plus nous ne pouvons pas choisir de l’être ou non. Le leadership vous tombera dessus si vous le méritez, c’est tout. Ce qu’on oublie de dire en revanche, c’est qu’une fois qu’il vous est tombé dessus, il n’arrive pas tout seul. C’est un cadeau qui peut s’avéré empoisonné pour qui ne parvient pas à en appréhender tous les aspects. C’est ce que nous verrons dans cette publication. Vous qui vous êtes battu.e, les lignes qui vont suivre devraient vous parler. Vous qui vous battez et qui cherchez à vous élever, tenez vous prêt.e.

Une farouche envie de mieux

 

J’ai grandi dans un petit village de l’Oise : Chambly, 9 000 habitants. Même si l’équipe de foot a récemment fait parler d’elle, à l’époque les perspectives d’évolution d’un.e jeune de la commune étaient relativement restreintes. Mon BEP d’électrotechnique en poche, l’horizon se limitait à l’atelier SNCF du Moulin Neuf. Bien qu’étant le plus grand atelier de France, quelques mois de travail ont suffit à me dissuader de rester planter là et j’ai repris mes études, loin.

 

Quand je repense aux deux heures aller, trois heures retour pour aller en cours. Au premier train bondé de 6h29 et au dernier TER de 20h50 en départ de la Gare Du Nord que je manquais presque tous les jours parce que les cours terminaient juste assez tard pour que je n’ai pas assez de temps pour me rendre la gare à temps. À l’omnibus de la ligne H qui me débarquait aux alentours de 23h à Persan-Beaumont, la gare d’Ile-De-France la plus proche de chez moi, ainsi qu’à l’heure de marche qui s’en suivait pour arriver jusqu’à la maison. Pour me faire un peu d’argent de poche, une nuit par semaine je bossais comme surveillant de nuit dans un orphelinat de Méru. Une nuit blanche qui me permettait d’avancer sur mes devoirs, sur l’association ou sur mes lectures. Ereintant mais nécessaire.

 

J’ignore d’où m’est venue cette motivation mais elle ne m’a plus jamais quitté. Ce qui m’a fait avancer et prendre des risques, c’est cette farouche envie de m’élever dans la société, d’améliorer ma condition et celle de ma famille. D’ailleurs, je crois qu’à l’époque j’avais écrit « Donnons Nous Les Moyens » pour me donner du courage à moi même avant tout. Parce que je savais que j’aurais beaucoup de travail à faire pour briser les paradigmes sociaux, je venais de loin. Mais voilà, dix années plus tard, les choses ont considérablement évoluées.

 

C’est une source de satisfaction intarissable que d’avoir atteint quelques objectifs, cela est évident. Néanmoins, c’est aussi une sorte de boîte de pandore dont il faut se méfier

 

 

L’exercice du pouvoir pour briller… ou sombrer

 

En vous élevant dans la société, qu’elle soit civile ou professionnelle, le regard des autres change. Il me semble que c’est inévitable. Certes il y a vos amis de toujours, pour lesquels vous resterez le ou la même. Et puis il y a tous les autres qui vous entourent et que vous côtoyez pour qui vous n’êtes plus celui ou celle que vous avez été. Par exemple, en déjeunant avec un ancien collaborateur, il m’apprenait que lorsque je suis devenu directeur financier, lui et tous mes collaborateurs liés à la finance étaient stressés par nos QuickMeeting hebdomadaires. Ils avaient le sentiment de devoir être irréprochables, paré.e.s à répondre à toutes les questions. Une sorte de distance entre nous s’est crée malgré moi. En un sens, c’est une bonne chose sur le plan de la pure performance économique. Mais je dois reconnaître que sur le plan humain, cette situation m’a mis mal à l’aise car je ne m’en étais ni rendu compte, ni préparé.

 

Et effet, cette position nouvelle à laquelle vous êtes parvenu.e vous offre un pouvoir certain, jusqu’alors inconnu. Le leadership, c’est une légitimité nouvelle, qu’elle soit sensée ou non, qui vous est attribuée. Quand vous parlez, les gens vous écoutent. Cela peut paraître bête, mais en entreprise je crois que c’est à ce moment précis que le plus de monde se casse les dents. L’exercice du pouvoir et de l’influence est quelque chose de très délicat. Le pouvoir, aussi limité soit-il, a en effet ce quelque chose de grisant qui vous monte à la tête, qui vous enivre… et qui vous perd. J’ai été témoin de cela. J’ai vu des gens sombrer dans ses abîmes, j’en ai vu d’autres briller sur ses cimes. La différence entre les deux, entre sombrer ou briller, se résume en un seul mot : humilité.

 

Il y a quelques jours, je regardais le documentaire « King in the Wilderness« . Il s’agit d’un documentaire sur les dernières années de Martin Luther King, racontées par ses proches. À renfort de témoignage et d’images d’époque, on peut ainsi appréhender l’homme qui se cache derrière l’idole. Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est qu’à de très nombreuse occasions nous le voyons donner de sa personne pour prendre part à la cause dans son ensemble. On peut ainsi le voir participer, les manches relevées, à la construction d’une école dans un quartier pauvre. Ou encore participer à une marche organisée par les leaders du mouvement Black Panther, en expliquant sans véhémence et avec une grande humilité qu’il soutient leur cause mais pas leur démarche. En d’autres termes, il est toujours resté en contact étroit avec la cause qu’il défendait sans jamais prétendre être, si j’ose dire, « Martin Luther King », la légende que l’on connaît.

 

 

Le leadership au profit de l’empowerment

 

Selon ses plus proches amis, Martin Luther King lui même n’avait aucune idée sur la manière dont il devrait gérer son leadership. En réalité, bien que nombreux soient ceux qui aspirent au leadership, je suis convaincu que c’est quelque chose qui nous tombe dessus sans que l’on s’en rende compte. Alors concrètement, je crois que lorsqu’un peu de respect, voire d’admiration et d’influence, nous est octroyé par nos proches ou par nos collaborateurs, nous devrions nous en servir pour les aider à progresser, à devenir de meilleures personnes et à atteindre leurs objectifs personnels même si cela n’a aucune incidence sur notre vie. Souvent, et c’est d’autant plus vrai dans les pays anglo saxons, les gens vous aident parce qu’ils pensent que cela peut leur être directement bénéfique. Quelle horreur cette manière de voir la vie dans une perspective donnant-donnant systématique.

 

Pour ma part, je garderai toujours en tête que si j’ai atteint certains de mes objectifs de vie, c’est en grande partie grâce à celles et ceux qui m’ont fait confiance et qui m’ont accordé leur aide. Parfois, cette aide n’est rien de plus qu’une discussion ; mais une discussion qui vous permet d’avoir un déclic, de prendre conscience de quelque chose qui vous échappait jusqu’à présent, peut représenter une grande avancée. D’autre fois, cette aide se matérialise en une démonstration de confiance.

 

 

Ne pas hésiter à faire confiance et à donner de soi

 

Muriel était responsable de la licence de communication de l’université de Paris Descartes lorsque j’y ai présenté ma candidature. C’est elle qui m’a permis d’intégrer cette licence, à moi qui n’avait qu’un bac pro de climatisation et aucune expérience en communication. J’ignore ce qu’elle a pu voir en moi au moment où elle a pris cette décision, mais ce que je sais c’est qu’elle a joué un rôle décisif dans ma vie et que sans elle je ne serai probablement pas là où j’en suis aujourd’hui. Pourtant elle n’avait rien à y gagner à part ma reconnaissance.

 

Lorsque je suis arrivé chez Orchid Creation, mon rôle n’était pas clairement défini. Il faut dire qu’il était difficile de me faire entrer dans une boîte, moi qui ait toujours été touche à tout. C’est donc ce que j’ai fait : toucher à tout, de la relation client aux actions marketings, de la production à la comptabilité. Jusqu’à ce que Vivien, le fondateur du groupe, voit en moi ce que personne n’avait vu jusqu’alors et me propose le poste de Directeur Financier. Le verbe me manque pour vous dire à quel point sa clairvoyance et la confiance qu’il m’a accordée ont changé ma vie. D’abord pour me laisser vaquer à des occupations diverses et variées, ensuite pour mettre le doigt sur ce pour quoi je suis doué, intrinsèquement. Inutile de préciser qu’il ne s’en est jamais vanté de son leadership auprès de qui que ce soit et que je suis loin d’être le seul à lui être reconnaissant.

 

Tafika est l’un de mes plus proches collègues et a également été propulsé par Vivien. Il dirige notre filiale londonienne avec originalité et brio. Avec le temps, nous avons noué des liens très fort lui et moi, et nous parlons très souvent de nos difficultés respectives. Lorsqu’il s’agit de management, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit du manque de compétence d’un collaborateur, il a coutume de me demander « comment est-ce qu’on pourrait l’aider à step up ? ». « Step up« , comprenez s’améliorer dans son jargon d’expressions anglaises traduites littéralement en français. At the end of the day*, ce que j’admire le plus chez lui c’est sa volonté de permettre aux gens qui l’entourent de s’améliorer. Pour ça, il donne de son temps, de sa patience, sans relâche et avec humilité.

 

Ces anecdotes sont quelques exemples parmi une multitude. Toutes ces personnes profondément altruiste, qui ont été des acteur.rice.s à un moment ou un autre de mon parcours ont eut un rôle capital. Souvent même, sans avoir conscience de leur leadership. C’est pourquoi je me suis toujours promis de faire de mon mieux pour aider les autres quand je le peux et pour partager mes compétences et connaissances le plus possible, les mettre au profit de celles et ceux qu’elles pourraient aider. J’entends parfois les gens prétendre qu’ils en sont arrivés là où ils en sont par eux même, que tout ce qu’ils ont réussi à faire ils ne le doivent qu’à la seule force de leur détermination. C’est louable mais c’est en partie faux. N’oublions pas celles et ceux qui ont été là pour nous aider, nous conseiller ou nous faire confiance et tentons d’apporter aux autres ce qui nous a été donné.

 

En définitive, l’une de nos aspirations au quotidien devrait être de mettre à disposition nos savoirs pour permettre à ceux qui sauront en tirer profit de devenir de meilleures versions d’eux même. Cela passe bien sûr par le partage de connaissances comme je le répète souvent, mais aussi et surtout par le fait de montrer l’exemple, d’inspirer. J’ai la chance d’avoir eu de nombreux modèles, des gens qui m’ont inspiré et qui continuent de le faire ; ainsi que des mentors qui m’ont fait confiance et donné une chance. Ils m’ont toujours conseillé quand ils estimaient être en mesure de le faire. De lire ici ou là que j’inspire à mon tour d’autres personnes est une grande source de fierté, probablement même l’une mes plus grandes fiertés. Je m’efforce de garder les pieds sur terre pour ne pas oublier à qui je dois tout ça : à ceux qui m’ont aidé car ils m’ont permis d’avancer et à ceux que j’inspire car ils me donnent la force de continuer. Merci. À vous la parole


Photo by Tobias Mrzyk on Unsplash

Sources
« King in the wilderness » : https://www.youtube.com/watch?v=aVGRg89DbyM

Note :
Le titre de cette publication est grandement inspiré par le titre du livre de Nelson Mandela « Un long chemin vers la liberté ». Il s’agit d’un clin d’oeil à cet homme exceptionnel et à son livre qui m’a profondément marqué.

* Très utilisée dans les pays anglo saxons, cette expression pourrait se traduire par « en fin de compte »

Romain Maltrud

Entrepreneur, DAF à temps partagé et auteur de la newsletter "okr, bifton &liberté"

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